Littératures de l’extraordinaire : origine et sens des mots

« Je pense que la fantaisie, au sens de l’imagination, est très importante. Nous ne devrions pas trop nous attacher à la réalité quotidienne, mais donner de l’espace à la réalité du cœur, de l’esprit et de l’imagination. Ces choses peuvent nous aider dans la vie. »

Hayao Miyazaki

J’avais justement envie de creuser un peu l’étymologie et le sens de ces mots lorsque l’on parle de fantastique, fantasy et autres récits de l’imaginaire, ou plus précisément de l’extraordinaire, puisque toute fiction s’appuie sur l’imagination. Nous allons donc parler spécifiquement de SFFF (pour science-fiction, fantasy et fantastique).

Commençons avec le terme anglais fantasy, qui vient du vieux français fantaisie ou phantasie (« vision, imagination ») et dont on trouve la trace dès le XIVème siècle. Il provient du latin phantasia (« fantôme, apparition, apparence »), lui-même issu du grec ancien φαντασία, phantasía (« pouvoir de l’imagination ; vision, apparence, image, perception »). Dans son sens actuel, le terme fantasy serait apparu pour la première fois aux États-Unis, avec la revue The Magazine of Fantasy en 1949. Employé d’abord dans le domaine littéraire, il s’est ensuite étendu aux arts graphiques, au cinéma, aux jeux (de rôle et vidéo notamment) et à la musique.

Illustration monde féérique Alan Lee
© Le pont de Fondcombe, Alan Lee

Le mot « Fantaisie » garde toujours actuellement cette notion d’imaginaire, même si on ne l’utilise pas pour caractériser le genre littéraire qui pourrait correspondre. Pourtant la première définition reste celle-ci : « Imagination libre, sans contrainte ni règle ; faculté de création […] Synonymes : imagination, créativité » (dictionnaire Larousse). Le terme qui semble actuellement le plus équivalent à ce qu’on nomme fantasy est le merveilleux. Ce genre regroupe les contes de fées, épopées et fables mettant en scène des créatures et/ou évènements surnaturels (souvent mythiques, magiques), comme Alice au Pays des Merveilles de Lewis Carroll, Peter Pan de James Matthew Barrie, les Fables de La Fontaine, les contes de Charles Perrault ou des Frères Grimm… Mais pour parler de sagas telles que Le Seigneur des Anneaux ou L’Epouvanteur, nous parlons généralement de fantasy, peut-être parce que ce genre spécifique a d’abord été nourri de récits anglo-saxons. Quand on se penche sur le sujet, il s’avère plus complexe qu’on ne le croit ! En effet, la Commission d’enrichissement de la langue française (anciennement Commission générale de terminologie et de néologie) a adopté le terme « fantasie » (à ne pas confondre avec « fantaisie ») comme traduction de fantasy en la définissant de la manière suivante : « genre situé à la croisée du merveilleux et du fantastique, qui prend ses sources dans l’histoire, les mythes, les contes et la science-fiction » (annonce publiée dans le Journal officiel du 23 décembre 2007). Je n’ai encore jamais entendu personne parler de fantasie, mais on trouve effectivement cette occurrence dans le Wiktionnaire par exemple : « Genre anglo-saxon proche du merveilleux rattaché aux littératures de l’imaginaire qui décrit des univers créés de toute pièce parfois reliés au nôtre et dotés de leurs propre géographie, Histoire, langues, environnement et peuples où le surnaturel, et notamment la magie, appartient au domaine du normal. » De son côté, le Grand Dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française a proposé en 2003 le terme « merveilleux ». Mais en pratique, le mot anglais reste le plus utilisé, aux côtés des termes français recouvrant des domaines proches mais non identiques, en particulier le merveilleux comme on l’a vu. On peut encore trouver mille définitions différentes… Allez, une dernière pour la route : selon l’écrivain et éditeur André-François Ruaud, la fantasy peut être considérée comme un sous-genre du fantastique : « La fantasy est une littérature fantastique incorporant dans son récit un élément d’irrationnel qui n’est pas traité seulement de manière horrifique, présente généralement un aspect mythique et est souvent incarné par l’irruption ou l’utilisation de la magie. » (Dans Cartographie du merveilleux)

Mais justement, quelle est la différence entre fantasy / merveilleux et fantastique, que l’on confond souvent et qui, si l’on en croit l’auteur cité ci-dessus, sont confondables ? En effet, dans l’absolu le sens est très proche : « fantastique » signifie bien « imaginaire, surnaturel », et la définition de base nous dit qu’il s’agit d’un genre littéraire et artistique qui fait appel à l’imaginaire, à l’irréel. En fait, c’est le rapport au surnaturel qui sépare ces deux genres : dans un récit fantastique, on a une intrusion du surnaturel dans un cadre réaliste. Le surnaturel n’est pas admis comme tel, et peut créer un malaise, de la peur (voir Stephen King et Edgar Allan Poe par exemple, mais aussi Guy de Maupassant et autres écrivains du XIXème siècle). Alors que dans la fantasy, le surnaturel fait partie du réel et constitue une évidence pour le lecteur. (Source : Wikipédia) Notons encore que les définitions et classements varient d’une culture à l’autre, d’un pays à l’autre. Ainsi, chez les Anglo-Saxons la littérature fantastique n’est a priori pas considérée comme un genre à part mais plutôt comme un sous-genre de low fantasy. Oui parce qu’en plus, il existe une multitude de sous-genres : dark fantasy, heroic fantasy, high fantasy

Peter Pan playing the Pipes, Illustration de "Peter and Wendy", James Matthew Barrie
Peter Pan playing the Pipes, illustration issue de Peter and Wendy (1911), James Matthew Barrie
Wikimedia Commons

La science-fiction quant à elle repose sur un cadre considéré réaliste, et expliqué scientifiquement par l’auteur. Les récits peuvent se dérouler dans un futur plus ou moins lointain, dans un passé fictif, dans un univers parallèle ou une galaxie lointaine. Même si les progrès technologiques mis en scène nous semblent impossibles, du moins dans l’état actuel de nos connaissances, ils ne sont pas vus comme surnaturels, puisque scientifiques.

Et puis, les registres peuvent se croiser : le fantastique par exemple peut être utilisé dans d’autres genres, tels que policier, science-fiction, horreur, contes, aventures, merveilleux… et inversement. De quoi y perdre son latin ! Mais c’est le propre de l’imagination : ne pas se donner de limites, et toujours avoir l’esprit ouvert.

Pour conclure et pour résumer, si l’on tient à séparer les trois genres : dans la science-fiction, l’extraordinaire s’explique par une science et des technologies inventées par l’auteur, et qui ne sont pas considérées surnaturelles dans le monde imaginé. Dans la fantasy, les manifestations surnaturelles sont dues à de la magie. Dans le fantastique, on ne connaît pas la cause des événements extraordinaires qui peuvent se produire.

Et vous, comment voyez-vous les choses ? Quelles sont vos propres définitions ? Merci de m’avoir lue jusqu’au bout en tous cas, j’avoue que mon côté littéraire aime se prendre la tête sur ces questions !

Voir aussi l’article Mondes imaginaires…, dans lequel, soit dit en passant, je ne faisais pas la distinction entre fantasy et fantastique.

Laisser un commentaire

0
Panier
  • Le panier est vide.